tiré de France Apnée sur Facebook qui a traduit le texte original :
Après des mois et des mois de silence, l'apnéiste autrichien Herbert Nitsch âgé de 42 ans livre une interview émouvante pour "The Red Bulletin".
Rappelons que le 6 juin 2012 Herbert devait battre le record du monde de No Limit en le portant à 244m au large de Santorin. Les médecins lui avaient fait savoir qu'il serait impossible de plonger aussi profond. L'apnéiste est bien descendu à cette profondeur; mais c'est la remontée qui allait bouleverser sa vie.
Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez de cette plongée?
Herbert: Je ne peux pas le dire. Nous avons passé en revue les vidéo des dizaines de fois et mes souvenirs se confondent avec ce que je vois. Mais la chose importante est que nous pouvons dire avec certitude que l'accident s'est produit. Et que rien de tel ne s'était jamais produit auparavant.
Qu'est-ce qui s'est exactement passé au cours de ces quatre minutes de plongée?
Herbert: Je suis descendu à 244m comme prévu. Je me suis évanoui à une profondeur d'environ 100 m au moment de la remontée.
Ce que je voulais c'était de descendre avec la gueuse, maîtriser ma remontée lentement puis faire un palier d'une minute à 10m. Si cela c'était produit comme ça, rien ne serait arrivé.
Mais je me suis évanoui à cause de la narcose à l'azote, même si les médecins pense que c'est l'accident de décompression qui m'a fait perdre connaissance.
Dans tous les cas, la gueuse avec Herbert inconscient est remontée à 10m trop rapidement.
La gueuse s'est arrêtée automatiquement alors que j'étais inconscient. Les plongeurs de sécurité m'ont sauvé. J'aurais pu me noyer parce que j'ai été attaché à la gueuse.
Avec la vidéo, on peut voir qu'une fois en surface vous êtes redescendu de suite. Pourquoi?
Herbert: J'ai pris un peu d'oxygène pur et je suis redescendu à 10m pour endiguer l'accident de décompression. J'étais programmé pour faire ça; je l'ai fait de manière inconsciente. Je ne me souviens pas de quoi que ce soit à propos de ces quelques minutes.
D'un point de vue médical, vous avez probablement eu un accident vasculaire cérébral, n'est-ce pas?
Herbert: Pour faire simple, l'air est composée de 20% d'oxygène et 80% d'azote. Pendant une plongée, l'oxygène dans le sang est consommé et l'azote est comprimé à la descente. Si vous remontez trop vite, l'azote augmente de volume, de manière explosive. C'est ce qui se passe quand vous faites sauter un bouchon de Champagne. C'est pareil dans le sang et ce n'est pas bon du tout pour vous. Les petites bulles d'azote se sont formées à la remontée et lorsque j'ai émergé cela a déclenché un accident vasculaire cérébral.
D'où venaient ces petites bulles d'azote pour causer autant de dégâts?
Herbert: Plusieurs parties de mon cerveau ont été touchées, heureusement, la plupart du temps dans la partie inférieure, la partie arrière de la tête et non pas derrière le front, car c'est là que les traits de personnalité sont situés. Donc, même si je suis loin d'être la personne que j'étais avant, quand il s'agit de ma personnalité et de mon caractère, je suis toujours la même personne. J'ai pu m'en sortir en changeant ma façon de faire.
Des troubles neurologiques, de la difficulté à trouver ses mots et des pertes de mémoire sont tous des symptômes typiques d'AVC. Est-ce certains de ces troubles se sont manifestés?
Herbert: Je suis conscient de ces problèmes et je souffre de certains d'entre eux. Mais je suis devenu assez bon maintenant pour trouver une autre façon de dire les choses quand je m'aperçois que je ne trouve pas le mot.
Si vous me posez une question en deux parties, je vais probablement répondre à la première partie et oublier la seconde.
Je viens de me rappeler du mot de passe de mon ordinateur récemment, par hasard. Et les noms; j'avais oublié les noms de presque tout le monde.
Que diriez-vous du point de vue motricité?
Herbert: Je marche à nouveau sur mes deux pieds. Je n'utilise pas un fauteuil roulant, de canne ou de déambulateur. C'est vraiment un grand progrès, mais ce qui est bizarre c'est que j'ai la sensation d'être fait de bois. Et si je ne me concentre pas, ma jambe droite vacille comme si elle se balançait de ma hanche. Si j'essaie de courir, c'est encore plus drôle, c'est comme un mélange entre pas de l'oie et la Lambada.
Votre discours est très rarement perturbé.
Herbert: Si j'essaie de parler vite ou quand il y a des mots plus compliqués, c'est trop rapide pour ma langue. Ou plutôt, trop rapide pour la conduction nerveuse entre mon cerveau et ma langue. Mon discours finit par sonner pâteux, comme si j'étais un peu ivre. Curieusement, l'anglais vient à moi beaucoup plus facilement que mon allemand natif. Je ne sais pas pourquoi.
En général le côté droit de mon corps est encore très limité dans ce qu'il peut faire.
Êtes-vous droitier?
Herbert: Oui, je le suis. Ce serait un désordre complet si j'essayais par exemple de verser le thé dans une tasse avec ma main droite. J'ai dû apprendre à écrire de la main gauche, même si c'est juste pour le plaisir d'avoir à nouveau une signature. Si j'utilise ma main droite, mon écriture ressemble à un gribouillage, comme un gosse d'école primaire essayant d'usurper l'identité d'un adulte.
Je commence toujours par me brosser les dents avec ma main droite pour l'entraîner, je ne passe qu'à ma main gauche que lorsque mon épaule est trop fatiguée.
Par Ron Mueller et Arek Piątek
Traduction: France Apnée
On l'aura compris Herbert Nitsh, encore diminué par son accident, reste un battant. Cet athlète-aventurier d'exception veut désormais s'investir dans la protection des océans.